Atelier d’écriture dans les bistrots

« Quoi quoi quoi vous écrivez dans les cafés ? Pourquoi ? » A cette question lancée à travers le bistrot, l’écrivain vaudois Jacques Chessex, répondait en 1972 : « Parce qu’il me faut le rituel aux saints objets abrutissants et exaltants… » Un rituel auquel se sont frottés les élèves ayant participé aux ateliers des 27 et 29 mai 2019 en ville de Bulle. A l’enseigne du Fribourgeois, du Moderne ou du Buro, mais aussi dans d’autres lieux insolites de la ville comme le donjon ou les anciennes prisons du château, les 19 écrivains en herbe et leurs accompagnantes se sont imprégnés de ces lieux inspirants, les décrivant parfois, les transcendant souvent. Voici quelques traces de leur production.

Claire-Lyse Pasquier

Quelques textes écrits par les élèves

Je suis assis à la table d’un café au coin d’un boulevard. Le garçon s’approche et me demande : « Qu’est-ce que vous prenez ? » Et tout s’enchaîne dans ma tête…

Je prendrai un verre d’eau pour abreuver le salant qu’est mon âme.
Pour effacer les traces de suif dans les pas du poète.
Pour remplir le désert de mes lignes avec des vagues salées et noyer ces cris que je rature.
Je prendrai un verre d’alcool, pour rajouter de la brume au linceul cachant l’horizon et que je découpe en lambeaux de spleen.
Ce spleen qui habite le poète se croyant Dieu.
Soudain frappé de l’anathème, brule dans le feu, l’enfer de ses mots.
Je prendrai un verre d’espace pour combler les lacunes de mes dires avec du vide.
Pour finir, je prendrai quelques mots, en espérant que ce ne soit pas trop cher.
Pour remplir mon papier.
Pour fixer mes rêves, les fleurs de l’esprit, qui bientôt seront peintes des pinceaux de l’oubli…

 Cyril Jacquiard, 27. 05. 2019.

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C’est de ta faute si notre vie est finie.
Mais n’a-t-elle pas commencé à cause de toi ?
Oh toi qui me prêtes mes mots.
C’est de ta faute si notre vie est finie.
A ma main, à moi-même.
Le sang de ma plume, l’encre qui coule dans mes veines, sur le papier me survit.
C’est de ta faute si notre vie est finie.
Douce mélancolie, illusion illusoire.
Rêves que tu prêtes à ma plume.
C’est de ta faute si notre vie est finie.
Je meurs mais je t’emporte avec moi, chère inspiration.

Cyril Jacquiard, 27 mai 2019

***

Au nord-ouest, les falaises descendaient à pic dans la mer sans solution de continuité. Je me sentais inexplicablement mais irrévocablement attirée par cette masse sombre, profonde, intrigante. Violentes et indomptables, les vagues s’écrasaient contre le roc. Un combat acharné était lancé. Les éléments se déchaînaient. Mes émotions se bousculaient, se mêlaient au hurlement du vent. Le rythme effréné des battements de mon cœur meurtri s’harmonisait aux coups de tonnerre. Il battait si fort, si cruellement, je le sentais se séparer de moi. Des larmes intarissables dévalaient le creux de mes joues. Mon corps, mon âme criaient, hurlaient leur détresse. Tournée vers l’horizon, les yeux rivés sur l’infini bleuté qui s’étendait devant moi, j’avance. La mer m’appelait. Pourquoi pas après tout? Un pas de plus, un dernier cri, tout s’arrêta. La mer se calma. Enfin, mon esprit s’apaisa, bercé dans les bras réconfortant de la mer. 

Magali Sulliger